Entre hypnose et psychanalyse : le succès de la méthode EMDR

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Par Diane Gozlan
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Parmi les méthodes innovantes développées en psychothérapie ces dernières années, l’EMDR rencontre un succès croissant et se veut une synthèse des avancées en psychanalyse, thérapie brève, hypnose et thérapie centrée sur la personne. En 10 ans, elle est devenue la thérapie de référence du PTSD (ou ESPT :  État de stress post-traumatique) et permet de traiter les traumatismes liés à des situations aussi diverses qu’un accident, attentat, viol, deuil, ...

Héloïse Galili, psychologue clinicienne, psychothérapeute, sexologue et praticienne de l’EMDR répond à nos questions.

Qu’est-ce que l’EMDR ? (Eye Movement Desensitization and Reprocessing)

L’EMDR est une approche psychothérapique développée aux Etats-Unis dans la fin des années 80. Inspirée de différentes méthodes thérapeutiques connues, elle présente une innovation technique : la pratique de stimulation bilatérale oculaire, c’est à dire le mouvement des yeux de gauche à droite, ou bien stimulation bilatérale au niveau auditif ou cutané. Les études cliniques ont montré que ce mouvement -qui rappelle ce qui se produit naturellement pendant la phase de sommeil paradoxal- appliqué dans le cadre d’un protocole précis et d’un travail psychothérapeutique global, permettait de “traiter” des souvenirs traumatiques du passé.

Quelles sont ses indications ?

A l’origine, l’EMDR a été développée et évaluée scientifiquement pour traiter le syndrome de stress post-traumatique qui peut surgir après un événement marquant (abus sexuel, attentat, incendie, catastrophe naturelle, maladies graves, accident, décès d’un proche …). Son indication s’est peu a peu élargie : l’EMDR est désormais utilisée dans des symptomatologies telles que les phobies, les troubles du comportement alimentaire, ou encore des problématiques plus complexes telles que l’estime de soi.

Nombre d’entre nous a déjà souffert de manque d’estime de soi ou de malaise en société, résultant de pensées négatives sur soi-même. Ces pensées négatives puisent leurs sources dans les expériences désagréables vécues dans le passé. Ces souvenirs difficiles ne sont pas toujours identifiés comme des traumatismes, pourtant ils peuvent en avoir les effets.

Une humiliation, une mauvaise note écrite en rouge vif par la maîtresse : ce peut être pour certains des expériences à portée traumatisante, notamment lorsque ces situations se répètent et font écho les unes aux autres. Ces blessures psychiques ont un retentissement négatif sur l’idée que la personne se fait d’elle-même, et donnent corps au traumatisme.

Peut-on traiter tout le monde ?

Non, l’EMDR ne convient pas à tout le monde. Bien qu’utilisé chez des patients ayant vécu des traumatismes et donc fragilisés, le protocole nécessite que le patient soit suffisamment “stabilisé” dans sa vie quotidienne (entourage soutenant, danger mis à l’écart...). Pour cause, le patient aura à s’appuyer sur des ressources positives, qu’il peut renforcer en amont dans le cadre de la psychothérapie.

Des ressources positives ? Dites-m’en plus...

Les éléments positifs peuvent être puisés dans les ressources du présent mais également dans celles du passé. On peut également les appeler “assises narcissiques“ en langage psychanalytique : tout ce qui permet à la personne de trouver à la fois un sentiment de bien-être et de tranquillité corporelle, mais également la certitude de sa propre valeur en tant que personne. Cela s’appuie pour chacun d’entre nous sur des expériences précoces de sécurité et de bien-être.

Il y a dans le protocole une étape inspirée de l’hypnose. Il s’agit de retrouver en soi un lieu où l’on se sent calme et en sécurité, de penser à ce lieu, de sentir les sensations qui l’accompagnent et l’effet qu’il procure à travers le corps. Pour beaucoup de patients, ce lieu synonyme de sérénité n’est pas évident à trouver. C’est pourtant un préalable absolu pour pouvoir utiliser la méthode EMDR, qui demande à plusieurs étapes une capacité importante au lâcher-prise et à la rêverie.

Comment se déroule le protocole ?

Le protocole fonctionne sous forme d'algorithmes.

On part d’une problématique rencontrée par le patient, puis on trouve une idée négative sur soi dans le présent qui nous renvoie à des souvenirs marquants du passé. L’étape la plus cruciale du traitement des souvenirs traumatiques consiste en un cheminement dans le cerveau du patient entre une idée négative de lui-même, avec la sensation négative, l’émotion ressentie initialement lors de ce souvenir vers une idée plus positive qu’il a lui-même choisi et une sensation d’apaisement. Entre chaque série de stimulation bilatérale, le patient remarque ce qui lui vient à l’esprit.

Le cerveau du patient crée un pont entre ces deux conceptions : celle qu’il a de lui à ce moment-là et celle qu’il aimerait voir résonner en lui. L’idée n’est pas d’effacer les souvenirs mais de diminuer la souffrance et l’émotion liée à ce souvenir. Chaque patient va faire appel à son imaginaire, son intelligence et ses ressources positives du présent et du passé pour faire ce chemin. A chaque début de séance, on fait un point ce qui s’est passé depuis la séance précédente en termes de rêves, de souvenirs qui nous sont revenus, de sensations corporelles. On peut ainsi mesurer les changements intervenus d’une séance à l’autre. Une fois les souvenirs négatifs traités, on revient à nouveau aux difficultés du présent : la thérapie se déroule en allers-retours entre les problèmes du présent, la source du passé et les scénarios du futur.

En combien de temps serai-je ”traité” ?

La durée du traitement est très variable d’un patient à un autre, car l’EMDR s’inscrit dans une psychothérapie globale, avec préalablement un temps nécessaire pour tisser une relation de confiance et évaluer l’indication à utiliser cette méthode ou non. Le processus de traitement des souvenirs, selon l’intensité du traumatisme, sa répétition, son caractère simple ou complexe, prend donc un temps variable selon les personnes. En général, il dure moins d’un an pour les patients qui ont initialement suffisamment de ressources positives, y compris lorsqu’il s’agit de traumas graves.

Après la thérapie, qu’est ce qui a changé ?

La personne sortant d’une thérapie EMDR a plus confiance en elle, ne souffre plus de tout ce qui était lié à l’état de stress post-traumatiques (cauchemars, flashs) et peut avoir résolu d’autres problématiques plus globales de sa vie sur le plan social, professionnel, conjugal. Elle parvient à relativiser davantage les évènements difficiles de sa vie et à les “ranger“ dans le passé.

Quels sont les retours que vous avez eu sur la thérapie EMDR ?

En général, les patients traités par l’EMDR sont satisfaits de cette thérapie pour 2 raisons : c’est une thérapie assez rapide et elle est stimulante sur le plan cognitif. Les patients constatent un éveil de l’activité cérébrale donnant lieu à une abondance de rêves, d’idées, et de prises de conscience.

Est-elle plus chère qu’une autre thérapie ?

Pour ma part, je demande le même prix que pour une thérapie “classique”. Certains thérapeutes en demandent plus, ce qui peut se justifier par le prix de la formation initiale et continue, ainsi que la supervision des thérapeutes obligatoires. La durée d’une séance est souvent plus longue que celle d’une thérapie classique (1H à 1H30) donc elle demande une mobilisation matérielle importante et des séances régulières, hebdomadaires idéalement.

Pour plus d’information, consulter le site officiel : http://www.emdr-france.org/

Remerciements à Héloïse Galili, psychologue à Joinville Le Pont (94)